Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/398

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cherche, dans la mesure de mes forces, à projeter la lumière du jour sur ces apparitions de la nuit, croyez-vous que j’obéisse à mon amour pour vous ? J’écris peut-être par amour pour les hommes ? Eh ! non, j’écris parce que je veux faire à des idées qui sont mes idées une place dans le monde ; si je prévoyais que ces idées dussent vous ravir la paix et le repos, si dans ces idées que je sème je voyais les germes de guerres sanglantes et une cause de ruine pour maintes générations, je ne les répandrais pas moins. Faites-en ce que vous voudrez, faites-en ce que vous pourrez, c’est votre affaire, et je ne m’en inquiète pas. Peut-être ne vous apporteront-elles que le chagrin, les combats, la mort, et ne seront-elles que pour bien peu d’entre vous une source de joie. Si j’avais à cœur votre bien-être, j’imiterais l’Église qui interdit aux laïques la lecture de la Bible, ou les gouvernements chrétiens qui se font un devoir sacré de défendre l’homme du peuple contre les « mauvais livres ».

Non seulement ce n’est pas pour l’amour de vous que j’exprime ce que je pense, mais ce n’est pas même pour l’amour de la vérité. Non :


« Je chante comme chante l’oiseau
Qui habite dans le feuillage.
Le chant même que produit ma voix
Est mon salaire, et un salaire royal. »


Je chante ? Je chante parce que je suis un chanteur ! Si pour cela je me sers de vous, c’est que j’ai besoin — d’oreilles.

Quand le monde se trouve sur mon chemin (et il s’y trouve toujours), je le consomme pour apaiser la faim de mon égoïsme : tu n’es pour moi qu’une — nourriture ; de même, toi aussi tu me consommes et tu me fais servir à ton usage. Il n’y a entre nous