Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/437

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c’est se manifester, et qu’elles ne peuvent pas plus rester inactives que ne le peut la vie, qui, si elle « s’arrêtait » une seconde, ne serait plus la vie. On pourrait donc crier à l’homme : emploie ta force ! Mais cet impératif impliquerait encore une idée de devoir là où il n’y en a pas l’ombre. Et d’ailleurs, à quoi bon ce conseil ? Chacun le suit et agit, sans commencer par voir dans l’action un devoir : chacun déploie à chaque instant tout ce qu’il a de puissance.

On dit bien d’un vaincu qu’il aurait dû déployer plus de force ; mais on oublie que si, au moment de succomber, il avait eu le pouvoir de déployer ses forces (corporelles, par exemple), il l’eût fait : il n’a eu peut-être qu’une minute de découragement, mais ce fut là, en somme, une minute d’impuissance. Les forces peuvent évidemment s’aiguiser et se multiplier, particulièrement par les bravades de l’ennemi ou par des exhortations amies : mais là où elles restent sans effet, on peut être certain qu’elles manquaient. On peut faire jaillir des étincelles d’une pierre, mais sans le choc pas d’étincelle ; de même l’homme a besoin d’une « impulsion ».

Attendu donc que les forces se montrent toujours d’elles-mêmes actives, l’ordre de les mettre en œuvre serait superflu et vide de sens. Employer ses forces n’est pas la vocation et le devoir de l’homme, mais son fait, perpétuellement réel et actuel. Force n’est qu’un mot plus simple pour dire « manifestation de force ».

Cette rose est, depuis qu’elle existe, une véritable rose, et ce rossignol est et a toujours été un véritable rossignol ; de même Moi : ce n’est pas seulement quand je remplis ma mission et me conforme à ma destination que je suis un « véritable homme » ; j’en suis un, j’en ai toujours été et ne saurais cesser d’en être un. Mon premier vagissement fut le signe de vie d’un « véritable homme », les combats de ma vie sont les manifestations d’une force « vraiment humaine », et mon dernier soupir sera le dernier effort de l’ « Homme ».

Le véritable homme n’est pas dans l’avenir, il n’est