Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/438

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pas un but, un idéal vers lequel on aspire ; mais il est ici, dans le présent, il existe réellement : quel que je sois, quoi que je sois, joyeux ou souffrant, enfant ou vieillard, dans la confiance ou dans le doute, dans le sommeil ou la veille, c’est Moi. Je suis le véritable homme.

Mais si je suis l’Homme, si j’ai réellement trouvé en Moi celui dont l’humanité religieuse faisait un but lointain, tout ce qui est « vraiment humain » est par là même ma propriété. Tout ce qu’on attribuait à l’idée d’humanité m’appartient. Cette liberté de commerce, par exemple, que l’humanité est encore à espérer et que l’on remet à un avenir doré comme un rêve enchanté, je l’emporte comme ma propriété et je la pratique provisoirement sous la forme de la contrebande. Peu de contrebandiers, j’en conviens, pourraient interpréter ainsi leur conduite, mais l’instinct de l’égoïsme supplée à la conscience qui leur fait défaut. J’ai montré plus haut qu’il en va de même de la liberté de la presse.

Tout est à moi, aussi ressaisirai-je ce qui veut se soustraire à moi ; mais, avant tout, je me ressaisis, si une servitude quelconque m’a fait échapper à moi-même. Mais cela non plus n’est pas ma vocation, c’est ma conduite naturelle.

En somme, il y a donc une grande différence entre me prendre pour point de départ ou pour point, d’arrivée. Si je suis mon but, je ne me possède pas, je suis encore étranger à moi, je suis mon essence, ma « véritable nature intime », et cette « essence vraie » prendra comme un fantôme mille noms et mille formes diverses pour se jouer de moi. Si je ne suis pas moi, c’est un autre (Dieu, le véritable Homme, le vrai dévot, l’homme raisonnable, l’homme libre, etc.) qui est moi, qui est mon moi.

Encore bien loin de moi, je fais de moi deux parts, dont l’une, celle qui n’est pas atteinte et que j’ai à accomplir, est la vraie. L’autre, la non-vraie, c’est-à-dire