Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/59

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Ce n’est que bien tard qu’ils reconnurent que leur « véritable vie n’était point celle qui prenait part à la lutte contre les choses du monde, mais la vie « spirituelle », « qui se détourne des choses », et le jour où ils s’en avisèrent, ils étaient — Chrétiens, ils étaient des « modernes » et des novateurs vis-à-vis du monde antique. La vie spirituelle, étrangère aux choses d’ici-bas, n’a plus de racines dans la nature, « elle ne vit que de pensées » et n’est par conséquent plus la « vie » mais — la pensée.

Il ne faudrait pas croire, toutefois, que les Anciens vivaient sans penser ; ce serait aussi faux que de s’imaginer l’homme spirituel comme pensant sans vivre. Les Anciens avaient leurs pensées, leurs vues sur tout, sur le monde, sur l’homme, sur les dieux, etc., et montraient le plus grand à empressement à acquérir des lumières nouvelles. Mais ce qu’ils ne connaissaient pas, c’était la Pensée, bien qu’ils pensassent d’ailleurs à toutes sortes de choses et qu’ils pussent être « tourmentés par leurs pensées ». Rappelez-vous, en songeant à eux, la phrase de l’Évangile : Mes pensées ne sont pas vos pensées ; autant le ciel est plus haut que la terre, autant mes pensées sont plus hautes que vos pensées », et rappelez-vous ce qui a été dit plus haut de nos pensées d’enfants.

Que cherche donc l’Antiquité ? La véritable joie, la joie de vivre, et c’est à la « véritable vie » qu’elle finit par aboutir.

Le poète grec Simonide chante : « Pour l’homme mortel, le plus noble et le premier des biens est la santé ; le suivant est la beauté ; le troisième, la richesse acquise sans fraude ; le quatrième est de jouir de ces biens en compagnie de jeunes amis. » Ce sont là les biens de la vie, les joies de la vie. Et que cherchait d’autre Diogène de Sinope. sinon cette véritable joie de vivre qu’il crut trouver dans le plus strict dénuement ? Que cherchait d’autre Aristippe, qui la trouva dans une inaltérable tranquillité d’âme ? Ce