Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/65

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éloigner, sans pouvoir en réalité l’anéantir ; aussi ce monde lui oppose-t-il, du fond du discrédit où il est tombé, des obstacles sans cesse renaissants, et l’Esprit est-il condamné à traîner perpétuellement le mélancolique désir de spiritualiser le monde, de le « racheter » ; de là, les plans de rédemption, les projets d’amélioration du monde qu’il bâtit comme un jeune homme.

Les Anciens, nous l’avons vu, étaient esclaves du naturel, du terrestre ; ils s’inclinaient devant l’ordre naturel des choses, mais en se demandant sans cesse s’il n’existait pas de moyen d’esquiver cette servitude ; lorsqu’ils se furent mortellement fatigués à des tentatives de révolte toujours renouvelées, de leur dernier soupir naquit le Dieu, le « vainqueur du monde ».

Toute l’activité de leur pensée avait été dirigée vers la connaissance du monde, elle n’avait été qu’un long effort pour le pénétrer et le dépasser. Quel but s’est donné la pensée pendant les siècles qui suivirent ? Derrière quoi les Modernes ont-ils tenté de pénétrer ? Derrière le monde ? Non, car cette tâche, les Anciens l’avaient accomplie ; mais derrière le dieu que ces derniers leur léguaient, derrière le dieu « qui est esprit », derrière tout ce qui tient à l’esprit, derrière le spirituel.

L’activité de l’esprit qui explore « les profondeurs mêmes de la divinité » aboutit à la Théologie.

Si les Anciens n’ont produit qu’une Cosmologie, les Modernes n’ont jamais dépassé et ne dépassent pas la Théologie.

Nous verrons par la suite que les plus récentes révoltes contre Dieu ne sont elles-mêmes que les dernières convulsions de cette « théologie », ce sont des insurrections théologiques.