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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/66

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§ 1. — L’Esprit


Le monde des esprits est prodigieusement vaste, celui du spirituel est infini ; examinons donc ce qu’est au juste cet Esprit que nous ont légué les Anciens. Ils l’enfantèrent dans les douleurs, mais ils ne purent se reconnaître en lui ; ils avaient pu le mettre au monde, mais il devait parler lui-même. Le « Dieu-né », le « fils de l’Homme », exprima le premier cette pensée que l’Esprit, c’est-à-dire Lui, le Dieu, n’a nulle attache avec les choses terrestres et leurs rapports, mais uniquement avec les choses spirituelles et leurs rapports.

Mon inébranlable fermeté dans l’adversité, mon inflexibilité et mon audace, sont-elles déjà l’Esprit, dans la pleine acception du mot ? Le Monde en effet ne peut rien contre elles ? Mais s’il en était ainsi, l’Esprit serait encore en opposition avec le monde, et tout son pouvoir se bornerait à ne point s’y soumettre. Non, tant qu’il ne s’occupe point exclusivement de lui-même, tant qu’il n’a pas uniquement affaire à son monde, au monde spirituel, l’Esprit n’est pas encore le libre Esprit, il demeure l’ « esprit du monde » enchaîné à ce monde. L’Esprit n’est libre Esprit, c’est-à-dire réellement Esprit, que dans le monde qui lui est propre ; ici-bas, dans « ce » monde, il reste un étranger. Ce n’est que dans un monde spirituel que l’Esprit se complète et prend possession de soi, car « ce bas monde » ne le comprend pas et ne peut garder auprès de lui « la fille de l’étranger ».

Mais où trouvera-t-il ce domaine spirituel ? Où, sinon en lui-même ? Il doit se manifester, et les mots qu’il prononce, les révélations par lesquelles il se découvre, c’est là son monde. Comme l’extravagant ne vit et ne possède son monde que dans les figures fantastiques que crée son imagination, comme le fou engendre