Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/71

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d’habiter 1’au-delà, c’est-à-dire d’être Dieu.

Cela seul aussi suffit pour nous faire apprécier la base totalement théologique sur laquelle Feuerbach édifie la solution qu’il s’efforce de nous faire accepter. Autrefois, dit-il, nous ne cherchions et n’apercevions notre essence que dans l’au-delà, tandis qu’à présent que nous comprenons que Dieu n’est que notre essence humaine, nous devons reconnaître cette dernière comme nôtre et la transposer de nouveau de l’autre monde en ce monde. Ce Dieu, qui est esprit, Feuerbach l’appelle « notre essence ». Pouvons-nous accepter cette opposition entre « notre essence » et nous, et admettre notre division en un moi essentiel et un moi non essentiel ? Ne sommes-nous pas ainsi de nouveau condamnés à nous voir misérablement bannis de nous-mêmes ?

Que gagnons-nous donc à métamorphoser le divin extérieur à nous en un divin intérieur ? Sommes-nous ce qui est en nous ? Pas plus que ce qui est hors de nous. Je ne suis pas plus mon cœur que je ne suis ma maîtresse, cet « autre moi ». C’est précisément parce que nous ne sommes pas l’Esprit qui habite en nous que nous étions obligés de projeter cet Esprit hors de nous : il n’était pas nous, ne faisant qu’un avec nous, aussi ne pouvions-nous lui accorder d’autre existence que hors de nous, au-delà de nous, dans l’au-delà.


Feuerbach étreint avec l’énergie du désespoir tout le contenu du Christianisme, non pour le jeter bas, mais pour s’en emparer, pour arracher de son ciel par un dernier effort cet idéal toujours désiré, jamais atteint, et le garder éternellement. N’est-ce point là un suprême effort, une entreprise désespérée sur la vie et la mort, et n’est-ce point en même temps