Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/77

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Es-tu lié à ton heure passée ? Dois-tu faire aujourd’hui ce que tu fis hier  ? Ne peux-tu te transformer à chaque instant ? S’il en était ainsi, tu te sentirais enchaîné et paralysé. Mais, à chaque minute de ton existence, une nouvelle minute de l’avenir te fait signe et t’appelle ; en te développant, tu te dégages « de toi », de ton moi actuel. Ce que tu es à chaque instant est ton œuvre, et tu dois à cette œuvre de ne pas te perdre, toi, son auteur. Tu es toi-même un être supérieur à ce que tu es, tu te dépasses toi-même. Mais ce fait que tu es supérieur à toi, que tu n’es pas seulement une créature, mais en même temps ton créateur, t’échappe en ta qualité d’Égoïste involontaire, et c’est pourquoi l’ « être supérieur » reste pour toi un étranger. Tout être supérieur, Vérité, Humanité, etc., est un être au-dessus de nous.

Il nous est étranger ; c’est là un signe auquel nous reconnaissons ce qui est « sacré ». Il y a dans tout ce qui est sacré quelque chose d’inconnu, de différent, qui nous met mal à l’aise et nous empêche de nous sentir chez nous. Ce qui m’est sacré ne m’appartient pas ; si la propriété d’autrui, par exemple, ne m’était pas sacrée, je la regarderais comme mienne et ne laisserais pas échapper une occasion de m’en saisir ; si, au contraire, la figure de l’empereur de Chine m’est sacrée, elle reste étrangère à mes yeux et je les baisse devant lui.

Pourquoi une vérité mathématique indiscutable, qu’on pourrait dans le sens usuel du mot appeler éternelle, ne m’est-elle pas — sacrée ? Parce qu’elle n’est pas révélée ; elle n’est point la révélation d’un