Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/89

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morale ? » Les moralistes ont tous passé dans le lit de la Religion, et après qu’ils se sont plongés jusqu’au cou dans l’adultère, c’est à qui dira aujourd’hui en s’essuyant la bouche : « La Religion ? Je ne connais pas cette femme-là ! »

Si nous montrons que la Religion est loin d’être mortellement atteinte tant qu’on se borne à incriminer son essence surnaturelle, et qu’elle en appelle en dernière instance à l’ « Esprit » (car Dieu est l’Esprit), nous aurons suffisamment fait voir son accord final avec la moralité pour qu’il nous soit permis de les laisser à leur interminable querelle.

Que vous parliez de la Religion ou de la Morale, il s’agit toujours d’un être suprême ; que cet être suprême soit surhumain ou humain, peu m’importe, il en est en tout cas un être au-dessus de moi. Qu’il devienne en dernière analyse l’essence humaine ou l’ « Homme », il n’aura fait que quitter la peau de la vieille religion pour revêtir une nouvelle peau religieuse.


Voyez Feuerbach : il nous enseigne que « du moment qu’on s’en tient à la philosophie spéculative, c’est-à-dire qu’on fait systématiquement du prédicat le sujet, et, réciproquement, du sujet l’objet et le principe, on possède la vérité nue et sans voiles . Sans doute, nous abandonnons ainsi le point de vue étroit de la Religion, nous abandonnons le Dieu qui à ce point de vue est sujet ; mais nous ne faisons que le troquer pour l’autre face du point de vue religieux, le Moral. Nous ne disons plus, par exemple, « Dieu est l’amour », mais bien « l’amour est divin » ; remplaçons même le prédicat divin par son équivalent « sacré », et nous en sommes toujours à notre point de départ, nous n’avons pas fait un pas. L’amour n’en reste pas moins pour l’homme le Bien, ce qui le divinise, ce qui le rend respectable, sa véritable « humanité »,