Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/90

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ou, pour nous exprimer plus exactement, l’amour est ce qu’il y a dans l’homme de véritablement humain, et ce qu’il y a en lui d’inhumain, c’est l’égoïsme sans amour.

Mais, précisément, tout ce que le Christianisme, et avec lui la philosophie spéculative, c’est-à-dire la théologie, nous présente comme le bien, l’absolu, n’est proprement pas le bien (ou, ce qui revient au même, n’est que le bien) ; de sorte que cette transmutation du prédicat en sujet ne fait qu’affirmer plus solidement encore l’être chrétien (le prédicat lui-même postule déjà l’être). Le dieu et le divin m’enlacent plus indissolublement encore. Avoir délogé le dieu de son ciel, et l’avoir ravi à la « transcendance », cela ne justifie nullement vos prétentions à une victoire définitive, tant que vous ne faites que le refouler dans le cœur humain et le doter d’une indéracinable « immanence ». Il faudra dire désormais : le divin est le véritablement humain.

Ceux-là mêmes qui se refusent à voir dans le Christianisme le fondement de l’État, et qui s’insurgent contre toute formule telle que État chrétien, Christianisme d’État, etc., ne se lassent pas de répéter que la Moralité est « la base de la vie sociale et de l’État ». Comme si le règne de la Moralité n’était pas la domination absolue du sacré, une « Hiérarchie » !

À ce propos, on peut se rappeler la tentative d’explication qu’on a voulu opposer à l’ancienne doctrine des théologiens. À les en croire, la foi seule serait capable de saisir les vérités religieuses, Dieu ne se révélerait qu’aux seuls croyant, ce qui revient à dire que seuls le cœur, le sentiment, la fantaisie dévote sont religieux. À cette affirmation on répondit que l’ « intelligence naturelle », la raison humaine sont également aptes à connaître Dieu (singulière prétention de la raison, pour le dire en passant, que de vouloir rivaliser de fantaisie avec la fantaisie elle-même).