Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/116

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n’est rien de sacré, parce que pour que cette représentation puisse se faire, il faut que l’intelligence soit déjà suffisamment développée pour pouvoir faire ses distinctions, par exemple, entre « le bien et le mal » entre « le juste et l’injuste », etc…; seulement à ce degré de réflexion ou de compréhension — qui est le point de vue — propre de la religion — à la place de la crainte naturelle il n’apparaît que la crainte respectueuse, ou respect, qui n’est pas naturelle (c’est-à-dire causée seulement par l’idée) « la crainte sacrée ». Il en résulte que l’on tient quelque chose hors de soi comme plus puissant, plus grand, plus juste, meilleur, etc… C’est-à-dire que l’on reconnaît la puissance d’un étranger ; on ne se borne pas à la sentir, on la reconnaît expressément. Autrement dit, on fait des concessions, on cède, on se rend, on se laisse enchaîner (abnégation, humilité, résignation, soumission). Ici nous voyons apparaître en foule les fantômes « des vertus chrétiennes.»

Tout ce qui vous inspire respect, vénération, mérite le nom de saint ; vous dites vous-mêmes qu’une « sainte terreur » vous retient d’y porter la main. Même à ce qui est le contraire de la sainteté, vous prêtez cette couleur (la potence, le crime, etc.), vous avez horreur d’y toucher. Il y a là-dedans quelque chose de sinistre, c’est-à-dire d’étranger, d’impropre à l’homme.

« S’il n’y avait rien de sacré pour l’homme, la porte resterait grande ouverte à l’arbitraire, à la subjectivité effrénée ! » C’est par la crainte qu’on commence et l’on peut se faire craindre de l’homme le plus grossier ; on a déjà ainsi une digue contre son effronterie. Seulement, dans la crainte il reste toujours la tentative de se délivrer de ce qu’on redoute, par la ruse, par la