Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/21

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de leur degré supérieur d’éclairement, ils peuvent se passer de la foi religieuse qu’ils remplacent d’ailleurs par quelque autre religion (impératif catégorique, pitié, superhomme, etc.). Mais ce n’est qu’un degré. Parvenons jusqu’à ceux qui ont en mains la machine gouvernementale. Qui a vu clair dans certains faits de l’histoire contemporaine (1898) constatera chez l’homme d’État, quant à ces « principes supérieurs », ce même scepticisme que professe la classe éclairée, quant à la religion « nécessaire au peuple ». Pour lui, il s’agit avant tout de gouverner, et il se présente rarement que sa conduite soit déterminée par l’Idée. C’est un hasard si la chose se produit ; la fatalité le contraint à mettre la Morale au rang des autres superstitions et à passer outre. Avant 1789, la chose était aussi peu cachée que possible ; mais, depuis que le protestantisme politique a fait son apparition, le trafic des indulgences politiques ne se fait plus ouvertement et l’on pourrait croire à une épuration morale parmi les conducteurs de peuples. Cependant l’homme d’État en est resté à Machiavel. Mais la chose ne s’avoue plus, et l’hypocrisie entoure de ses ténèbres épaisses les agissements des politiques. Par éclairs pourtant, la vérité se fait jour. Pour ne parler que de l’Allemagne, le procès Von Tausch est d’un profond enseignement. M. de Tausch, agent de politique secrète, se montra sincèrement étonné quand le tribunal lui fit grief de ses faux, ne concevant pas, dit-il, qu’on pût incriminer des procédés, blâmables peut-être sous le rapport de la morale individuelle, mais obligatoires dans la haute politique… Le président ne le laissa pas continuer. Il faut taire ces choses-là. C’est pourquoi lorsque sous l’Empire M. Nisard parla en public des deux morales, ce fut une réprobation qui dure encore. Pourtant il n’avait commis qu’une indiscrétion.

Talleyrand, qui eut quelque franchise, fut exécré de tous les partis ; il empêcha pourtant le démembrement de la France. Mais cet homme suait l’irrespect. On rapporte qu’au 14 juillet 1790, lors de la fête de la Fédération, comme il se rendait en habits sacerdotaux sur l’Autel de la Patrie pour y officier, il dit à La Fayette : « Surtout ne