Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/274

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de volonté des autres n’est que leur rebut, comme le maître l’est du serviteur. Si la soumission cessait, c’en serait fait de la domination. La volonté propre du moi est la perte de l’État, elle est stigmatisée par elle du nom d’« obstination ». La volonté individuelle et l’État sont ennemis mortels, entre ces puissances, il n’y a pas de « paix éternelle » possible. Tant que l’État s’affirme, il représente la volonté individuelle, son adversaire qui jamais ne désarme, comme déraisonnable et mauvaise, etc., et celle-ci se le laisse persuader, elle l’est déjà réellement puisqu’elle se le laisse persuader : elle n’est pas encore venue à la conscience de sa dignité et par conséquent est encore imparfaite, facile à tromper, etc.

Tout État est une tyrannie, que ce soit la tyrannie d’un ou de plusieurs, ou, comme cela se passe dans une république, que tous soient seigneurs, c’est-à-dire que l’un soit le tyran de l’autre. Tel est notamment le cas quand la loi, que nous donnent chaque jours nos législateurs, quand la loi, expression de la volonté nationale, devient ensuite loi pour l’individu, à laquelle il doit obéissance, envers laquelle il a le devoir d’obéissance. En supposant même que tout individu pris isolément dans le peuple eût exprimé la même volonté et que par suite la loi fût l’expression parfaite de « la volonté générale », la chose resterait au même point. Ne serais-je pas, aujourd’hui et plus tard, lié à ma volonté d’hier. Ma volonté dans ce cas serait cristallisée. Stabilité maudite ! Ma créature, expression déterminée de volonté, serait devenue mon maître. Mais alors par le fait de ma volonté, moi créateur, je verrais arrêtés l’écoulement et les transformations de mon être. Si je fus un fou hier, dois-je le rester ma vie durant ? Je