Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/330

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propre liberté. Ce n’est pas le châtiment du péché, la punition du crime. Le duel n’est pas un crime mais seulement un fait, contre lequel la Société prend des mesures préventives, établit une défense. L’État flétrit le duel comme un crime, une atteinte portée à sa loi sacrée : il en fait un cas criminel. Tandis que cette Société laisse l’individu examiner s’il veut assumer les ennuis et les tristes conséquences de ses actes, reconnaissant par là sa libre détermination, l’État procède précisément en sens inverse, il refuse à l’individu tout droit à la détermination libre et ne reconnaît que la sienne propre, la loi de l’État, comme l’unique droit, de sorte que celui qui manque aux commandements de l’État est considéré comme enfreignant les commandements de Dieu, point de vue emprunté encore à l’Église. Dieu est le saint en soi et pour soi, et les commandements de l’Église comme de l’État, sont les commandements de ce saint qui les impose au monde par l’entremise de ses oints et de ses souverains (souverains par la grâce de Dieu). L’Église avait le péché mortel, l’État a le crime qui mérite la mort, elle avait ses hérétiques, il a ses criminels de haute trahison, elle avait ses peines ecclésiastiques, il a ses peines criminelles, elle avait ses procès d’inquisition, il a ses procès fiscaux, bref, ici péché, là crime, ici pécheurs, là criminels, ici inquisition et là inquisition. La sainteté de l’État ne tombera-t-elle pas comme celle de l’Église ? La crainte de ses lois, le respect de sa grandeur, l’humilité de ses « sujets » tout cela demeurera-t-il ? Ce « visage sacré » ne prendra-t-il jamais de rides ?

Quelle folie d’exiger du pouvoir souverain qu’il lutte à armes courtoises avec l’individu, et, comme on le demande pour la liberté de la presse, qu’il distribue