Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/410

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mon dire, et il n’a souvent pour cela d’autre moyen que le serment. Cela ne prouve-t-il pas clairement que l’État ne compte pas sur notre bonne foi et notre amour de la vérité, mais sur notre intérêt, notre égoïsme : il fait fond sur ce que nous ne voulons pas nous brouiller avec Dieu par un faux serment.

Que l’on s’imagine maintenant un révolutionnaire français de l’an de grâce 1788, laissant tomber, entre amis, cette parole célèbre plus tard : le monde n’aura pas de repos que nous n’ayons pendu le dernier roi avec les boyaux du dernier prêtre. En ce temps-là le roi avait toute sa puissance. Je suppose que ces paroles soient dénoncées sans que l’on puisse produire des témoins, on exigera de l’accusé l’aveu. Doit-il avouer ou non ? S’il se renie, il ment et demeure impuni ; avoue-t-il, il dit la vérité et — on lui coupe la tête. Si pour lui la vérité passe avant tout, très bien ! qu’il meure. Seul un misérable poète pourra tenter d’en tirer une tragédie, car quel intérêt y a-t-il à voir un homme succomber par sa lâcheté. Mais s’il avait le courage de ne pas être esclave de la vérité et de la sincérité, il se demanderait : qu’ont besoin les juges de savoir ce que j’ai dit devant mes amis, si je voulais le leur faire savoir, je leur dirais la chose comme je l’ai fait pour mes amis. Or je ne veux pas qu’ils sachent. Ils s’ingèrent dans ma confiance sans que je les y aie appelés et que je les aie faits mes confidents ; ils veulent apprendre ce que je veux celer. Eh bien ! Allez-y, vous qui voulez briser ma volonté par votre volonté, mettez en œuvre tous vos talents. Vous pouvez me donner la question, vous pouvez me menacer de l’enfer et de la damnation éternelle, vous pouvez me forcer à faire un faux serment, vous ne tirerez pas la vérité de moi, car je veux