Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/449

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sa force, mon dernier soupir en est la dernière manifestation.

L’homme vrai n’est pas l’objet d’une aspiration, ce n’est pas dans l’avenir qu’il se trouve, mais il est existant et il réside réellement dans le présent. Qui et en quelque état que je sois, plein de joie ou de douleur, enfant ou vieillard, confiant ou incertain, dormant ou éveillé, je le suis, je suis l’homme vrai.

Mais si je suis l’homme et si je l’ai retrouvé réellement en moi cet homme que la religieuse humanité nous montrait comme un but lointain, alors tout ce qui est « véritablement humain » est aussi ma propriété. Ce que l’on attribue à l’humanité m’appartient. Cette liberté du commerce, par exemple, que l’humanité doit atteindre un jour et que l’on entrevoit comme un rêve enchanté dans un avenir doré, je me l’arroge comme ma propriété et l’exerce en attendant sous forme de contrebande. À vrai dire, peu de contrebandiers raisonnent ainsi leur acte ; mais l’instinct de l’égoïsme remplace chez eux la conscience. J’ai montré plus haut qu’il en était de même de la liberté de la presse.

Tout est ma propriété, c’est pourquoi je reprends tout ce qui veut m’échapper, mais, avant tout, je me ressaisis constamment quand une servitude quelconque m’enlève à moi-même. Mais aussi ce n’est pas ma mission, c’est seulement mon acte naturel.

Bref, la différence est considérable suivant que je me prends comme point de départ ou comme point d’arrivée. Dans le dernier cas, je ne me possède pas, par conséquent je suis encore étranger à moi-même, je suis mon essence, mon « essence véritable » et cette « essence véritable », étrangère à moi, fantôme aux