Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/454

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ler », nous lui ferions bientôt sentir que notre christianisme n’est qu’imaginable et qu’il est impossible : s’il persistait à nous importuner de ses pensées, de sa « vraie foi », il apprendrait que nous n’avons pas du tout besoin de devenir ce que nous pouvons devenir.

Et cela ne s’arrête pas à la piété ni aux gens pieux. « Si tous les hommes étaient raisonnables, si tous faisaient ce qui est juste, si tous étaient guidés par l’amour de l’homme, etc ! » Raison, droit, amour de l’homme, etc., voilà ce qu’on offre aux hommes comme mission, comme but de leurs aspirations. Et que veut dire être raisonnable ? Se percevoir soi-même ? Non, la raison est un livre bourré de lois toutes dirigées contre l’égoïsme.

L’histoire a été jusqu’ici l’histoire de l’homme incorporel. Après la période de matérialisme commence l’histoire proprement dite, c’est-à-dire la période spirituelle, religieuse, insensible, suprasensible, insensée. L’homme commence seulement maintenant à être et à vouloir être quelque chose. Quoi donc ? Beau, bon, vrai, plus précisément : moral, pieux, aimable, etc. Il veut être un « homme véritable », il veut faire de soi quelque chose « de bien ». L’Homme est son but, son devoir, sa destination, sa mission, sa tâche, son idéal, il est à soi-même un être d’avenir, d’au-delà. Et quoi donc fera de lui un « honnête homme » ? La vérité, la bonté, la moralité. Désormais il regarde de travers celui qui ne reconnaît pas le même « quoi », qui ne cherche pas la même moralité, la même foi ; il poursuit les séparatistes, les hérétiques, les sectaires, etc.

Un mouton, un chien, ne s’efforce pas de devenir « un vrai mouton », « un vrai chien » ; à aucune bête