Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/457

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tions. L’esprit m’a fait maître. — Mais sur l’esprit même je n’ai aucun pouvoir. Par la religion (éducation), j’apprends bien comment « vaincre le monde » mais non comment forcer Dieu et devenir son maître. Et l’esprit dont je ne puis me rendre maître peut prendre les formes les plus diverses ; il peut s’appeler Dieu ou esprit national, État, famille, Raison ou encore liberté, humanité, homme.

J’accepte avec reconnaissance ce que les siècles d’éducation m’ont acquis, je n’en peux rien rejeter ni abandonner ; je n’ai pas vécu en vain. La connaissance, résultat de l’expérience, que j’ai pouvoir sur ma nature, que je ne suis pas forcément l’esclave de mes passions ne doit pas être perdue pour moi ; le fait acquis que je puis par les moyens que me fournit l’éducation subjuguer le monde fut trop chèrement payé pour que je puisse l’oublier. Mais je veux plus encore.

On demande : que peut devenir l’homme, que peut-il faire, quels biens se procurer ? Et on lui impose comme mission le bien suprême. Comme si tout cela m’était possible.

Quand on voit quelqu’un perdu dans une passion, par exemple l’esprit de lucre, la jalousie, etc., on sent le désir de le délivrer de cette possession et de l’aider à « se vaincre lui-même ». « Nous voulons faire de lui un homme ! » Ce serait en effet très beau si une nouvelle possession ne prenait aussitôt la place de l’ancienne. On ne délivre un avare de la passion dont il est esclave que pour le livrer à la piété, à l’humanité ou à quelqu’autre principe et lui redonner de nouveau un point d’appui solide.

Ce transport d’un point de vue inférieur à un supérieur s’exprime en ces termes : l’esprit ne peut pas être