paisible s’imagine que sa destinée est d’être bon chrétien, protestant zélé, citoyen loyal, homme vertueux, etc. c’est la seule et même idée fixe. Quiconque n’a jamais essayé ni risqué de ne pas être bon chrétien, protestant zélé, homme vertueux, etc. est saisi et pris par la foi, la vertu, etc. Les scolastiques philosophaient mais seulement dans les limites de la foi de l’Église, le pape Benoît XIV écrivit des livres volumineux dans le cercle des superstitions papales, sans jamais mettre la foi en doute, des écrivains fournissent des in-folios sur l’État sans même mettre en questions l’idée fixe de l’État, nos feuilles regorgent de politique parce qu’elles ont la folie de croire que l’homme fut créé pour être un zoon politikon, ainsi végètent aussi les sujets dans la sujétion, les hommes vertueux dans la vertu, les libéraux dans l’ « humanitarisme » sans jamais entrer dans ces idées fixes le couteau affilé de la critique. Ces pensées tiennent ferme, inébranlables comme les chimères des fous et celui qui les met en doute attaque le sacro-saint. Oui, l’idée fixe, voilà véritablement ce qui est sacro-saint.
Ne rencontrons-nous que des possédés du diable, ne tombons-nous pas aussi souvent sur des possédés du genre contraire, possédés du Bien, de la Vertu, de la Morale, de la Loi, ou d’un principe quelconque ? Le diable n’est pas seul au monde à posséder, Dieu a donc action sur nous et le diable aussi ; dans le premier cas « influences divines », dans le second « actions diaboliques ». Les possédés sont entêtés de leurs opinions.
Si le mot « possession » vous déplaît nommez cela engouement, et même puisque l’esprit vous tient et que de lui vous viennent toutes les « inspirations » —