Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/105

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de la jeunesse de Jésus, bien des choses qui ont besoin d’être considérées du point de vue mythique. De même qu’il se forme bientôt sur un homme célèbre des anecdotes multipliées que la voix publique, parmi un peuple ami du merveilleux, transforme en merveilles de tout genre ; ainsi la jeunesse de Jésus, qui s’était passée dans l’obscurité, devint l’objet des récits les plus miraculeux lorsqu’il eut acquis un grand nom, glorifié encore davantage par sa mort. Dans cette histoire de sa jeunesse, des êtres célestes apparaissent sous forme humaine, prédisent l’avenir, etc. Là, dit Bauer, nous avons bien le droit d’admettre un mythe ; et ce mythe s’est sans doute produit, parce qu’on s’est expliqué les grandes influences de Jésus par des causes placées au-dessus du domaine des sens, et qu’on a incorporé cette explication dans l’histoire.

Gabler[1] fit observer que l’idée d’antiquité est une idée relative. Sans doute, à l’égard de la religion mosaïque, la religion chrétienne est moderne ; mais, en elle-même, elle est assez vieille pour qu’on puisse ranger l’histoire primitive de son fondateur dans les temps anciens. Il y avait dès lors, en effet, des documents écrits sur d’autres objets ; mais ici cela ne prouve rien, s’il est possible de montrer que pendant longtemps on n’a rien possédé d’écrit sur Jésus, et particulièrement sur les commencements de sa vie ; tout s’est borné à des relations orales qui ont pu facilement se teindre de couleurs merveilleuses, s’imprégner d’idées juives contemporaines, et devenir ainsi des mythes historiques. Sur beaucoup d’autres points on n’avait, selon Gabler, aucune tradition ; là le champ fut ouvert aux conjectures ; on argumenta d’autant plus que l’on avait moins d’histoire ; et ces conjectures et raisonnements historiques, dans le goût judéo-chrétien, peuvent être appelés les mythes philoso-

  1. Est-il permis d’admettre des mythes dans la Bible et même dans le Nouveau Testament ? (Im Journal für auserlesene theol. Literatur, 2, 1, 49 ff.)