Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/114

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Au contraire, George, dans ces derniers temps, a essayé non seulement de séparer avec plus de rigueur le mythe et la légende, mais encore de montrer que le mythe appartient aux évangiles, plutôt que la légende. En général, on peut dire qu’il nomme mythe ce que jusqu’à présent on avait appelé mythe philosophique, et légende ce qui jusqu’à présent avait reçu le nom de mythe historique. Il a traité ces deux idées comme les deux antipodes ; toutefois il les a saisies avec une précision par laquelle l’idée du mythe a incontestablement gagné en clarté. Suivant lui, un mythe est l’invention d’un fait à l’aide d’une idée ; une légende, au contraire, est l’intuition d’une idée dans un fait et à l’aide d’un fait. Une nation, une communauté religieuse se trouve dans une certaine situation, dans un certain cercle d’institutions dont l’esprit vit en elle ; la nation, la communauté religieuse éprouve le besoin de compléter, en se représentant son origine, le sentiment intime qu’elle a de son état actuel ; mais cette origine est cachée dans les ténèbres du passé, ou bien elle n’est plus assez apparente pour répondre à la plénitude des sentiments et des idées qui débordent maintenant : alors, à la lumière de ces sentiments et de ces idées, se projette, sur la paroi obscure du passé, une image colorée des antiques origines, et cette image n’est pourtant que le reflet agrandi des influences contemporaines. Si telle est la naissance du mythe, la légende, au contraire, a pour point de départ les faits ; seulement ces faits sont, peut-être, ou incomplets, ou raccourcis, ou même agrandis dans leurs proportions, afin de glorifier les héros. Mais les points de vue d’où il faut embrasser ces faits, les idées qui y étaient renfermées originairement, ont disparu dans la tradition. À la place surgissent de nouvelles idées, produit des temps que la légende a traversés ; c’est ainsi que la période post-mosaïque du peuple juif, qui avait pour idée fondamentale de s’élever successivement au pur monothéisme et à la théo-