Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/120

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sophique, mieux dénommé mythe dogmatique, dans l’Ancien et le Nouveau Testament, a été faite, dès 1799, à la vie de Jésus, dans l’écrit anonyme sur la révélation et la mythologie. Toute la vie du Christ, y est-il dit, tout ce qu’en général il devait et voulait faire, était tracé longtemps d’avance dans l’idée et l’intuition des Juifs. Jésus, comme individu, ne fut pas tel qu’il aurait dû être, ne vécut pas réellement comme il aurait dû vivre, d’après l’attente de ce peuple ; et là même où toutes les annales qui racontent ses actes sont d’accord, il est certain qu’il n’y a pas de fait réel. Par différentes additions populaires il se forma sur la vie de Jésus une voix du peuple, et c’est d’après elle que les évangiles ont été composés[1]. À la vérité, un critique objecte là-contre que l’auteur semble admettre moins d’histoire qu’il n’y en a réellement au fond des récits, et qu’il aurait mieux fait de se laisser guider par une critique prudente des détails que par un scepticisme général[2].

Au fond, nous rencontrons ici le même excès dans l’application de l’idée de mythe que plus haut dans la conception même de cette idée. Là c’était un excès de renoncer, dans les mythes du Nouveau Testament, à tout fondement historique ; ici on va trop loin quand, entre l’histoire de l’enfance de Jésus et celle de sa vie publique, on nie toute distinction relativement à la possibilité de s’y figurer des mythes. Si l’on considère la possibilité extrinsèque, il faut convenir qu’une telle distinction est, à la rigueur, interdite à ceux qui reculent la formation des évangiles aussi près que possible de la mort de Jésus, et en mettent les rédacteurs en contact, autant que faire se peut, avec les personnages principaux de cette histoire. On n’a qu’à voir comment Tholuck s’embrouille, expliquant, au sujet des témoins essentiels de l’enfance de Jésus, que Joseph était, d’après

  1. S. 103 f.
  2. Dans Gabler’s n. theol. Journal, Bd. 6, 4tes Stück, S. 350.