Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/137

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ment qui a dû le détourner de toute tentative de forger une chronologie, outre la certitude qu’il avait d’être sans aucun moyen pour y réussir. Papias n’a donc pu vouloir lui attribuer qu’une négligence complète de tout enchaînement chronologique, et cette négligence n’existe nullement dans le second évangile[1]. Dans de telles circonstances, que peuvent signifier les échos que notre second évangile semble trouver, de la même façon que le premier, chez les plus anciens écrivains ecclésiastiques ?

Luc, compagnon de Paul, a-t-il écrit un évangile ? Sur ce point il manque un témoignage de l’antiquité et du poids de celui de Papias pour Matthieu et Marc. Mais il y a, en faveur de cet évangile, un témoignage d’une espèce particulière qui, sans pour cela provenir absolument de Luc, provient du moins d’un compagnon de Paul ; ce témoignage est dans les Actes des apôtres : on doit conclure, d’après le préambule du troisième évangile et celui des Actes (et pour le reste la teneur de ces deux livres ne contredit aucunement cette conclusion) qu’ils sont du même écrivain ou du même compilateur. Or, le rédacteur des Actes des apôtres, dans quelques chapitres de la seconde moitié (16, 10-17 ; 20, 5-15 ; 21, 1-17 ; 27, 1-28, 16) parle de lui et de l’apôtre Paul à la première personne du pluriel (nous avons cherché, ἐζητήσαμεν, nous avons été appelés, προσκέκληται ἡμᾶς, etc.) ; par conséquent il se donne comme son compagnon. À la vérité, la teneur de plusieurs autres narrations de ce livre sur l’apôtre, tantôt incertaine, tantôt merveilleuse, tantôt même en contradiction avec des lettres authentiques de Paul, est d’une conciliation difficile, et l’on ne comprend pas pourquoi l’auteur n’invoque une pareille relation avec un des plus illustres apôtres, ni dans le préambule des Actes, ni dans celui de l’évangile ; de sorte qu’on en est venu à

  1. Comparez Schleiermacher, Mémoire cité, dans Ullmann’s Studien, 1832, 4, S. 736 ff.