Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conjecturer que peut-être ces passages, où le narrateur parle de lui-même comme acteur dans les événements, appartiennent à des mémoires d’un autre écrivain qu’il n’aurait fait qu’intercaler dans son livre[1]. Quoi qu’il en soit de cette conjecture, il se pourrait que le compagnon de Paul eut composé ces deux écrits dans un temps et dans des circonstances où nulle influence apostolique ne le protégeait plus contre les influences de la tradition ; et quant à rejeter des récits traditionnels uniquement parce qu’il ne les aurait pas entendu raconter à Paul, il est impossible qu’il s’y soit jamais décidé, pour peu que ces récits lui aient paru édifiants et croyables ; or, certes il n’était pas dans une disposition d’esprit à s’effrayer d’histoires de miracles. Mais, dit-on, les Actes des apôtres s’interrompent à l’emprisonnement de deux ans que Paul subit à Rome : ainsi ce second travail du disciple des apôtres (les Actes) doit avoir été composé pendant ce temps, 63-65 après J.-C, avant la décision du procès de Paul, et par conséquent son premier travail (l’évangile) ne peut avoir été écrit plus tard[2]. Mais cette interruption des Actes des apôtres peut avoir eu bien d’autres motifs[3], et, par elle-même, elle ne suffit en aucune façon pour décider de la valeur historique de l’évangile[4].

On pourrait attendre sur Jean un témoignage semblable à celui de Papias sur Matthieu, de Polycarpe, qui, mort en 167, a encore, dit-on, vu et entendu cet apôtre[5]. Sans doute il ne faut rien conclure, contre notre quatrième évangile, du silence qui est gardé sur ce livre dans la lettre que nous avons encore de Polycarpe, pas plus qu’on ne peut conclure en sa faveur des allusions plus ou moins claires que plusieurs Pères font aux Lettres de Jean[6]. Mais ce qui doit étonner, c’est qu’Irénée, ami et disciple de Polycarpe,

  1. De Wette, l. c., § 114.
  2. De Wette, § 116.
  3. Dans De Wette, l. c., et Credner, §§ 56 et 108.
  4. Comp. Credner. 1, p. 154.
  5. Euseb., H. E., 5, 20, 24.
  6. Dans De Wette, § 109.