Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

régnât dans toutes les parties de son histoire. Il est vrai que ces objections n’ont pas toujours été bien fondées ; car on n’y distinguait pas suffisamment ce qui est attribué à des individus humains, qui sont loin d’être représentés comme des modèles sans tache, de ce qui est attribué à Dieu et approuvé par lui[1]. Remarquons pourtant que certains ordres divins, tels que celui qui fut donné aux Israélites de dérober des vases d’or à leur sortie d’Égypte, ne sont guère moins choquants, pour un sentiment moral développé, que les vols du Mercure grec. Au reste, quand on accorderait que cette différence est aussi tranchée que possible (et elle l’est certainement pour le Nouveau Testament), néanmoins elle ne constituerait nullement une preuve du caractère historique des récits de la Bible ; car si une histoire sacrée immorale est nécessairement fausse, l’histoire sacrée la plus morale n’est pas nécessairement vraie.

« Mais, dit-on, il y a trop de choses incroyables, incompréhensibles dans les fables païennes, tandis qu’il ne se trouve rien de pareil dans l’histoire biblique, pourvu qu’on admette seulement l’intervention immédiate de Dieu. » Sans doute, pourvu qu’on l’admette. Autrement, les merveilles dans la vie d’un Moïse, d’un Elie, d’un Jésus, les apparitions de la divinité et des anges, pourraient sembler aussi peu croyables que ce que les Grecs racontent de leur Jupiter, de leur Hercule, de leur Bacchus ; si, au contraire, on suppose le caractère divin ou la descendance divine de ces personnages, leurs actions et leurs aventures mériteront autant de croyance que celles des hommes bibliques, avec une supposition semblable. « Pas autant, pourra-t-on répondre ; car, si Vichnou a paru dans les trois premiers

  1. Ce fut également ce défaut de distinction qui conduisit les Alexandrins à mainte allégorie, les déistes à des objections et des railleries, les surnaturalistes à des perversions du sens littéral, telles que celle qu’a imaginée tout récemment Hoffmann (Christoterpe auf 1838. S. 184) pour expliquer la conduite de David a l’égard des Ammonites vaincus.