Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/144

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intrinsèques, c’est-à-dire de la nature même des récits évangéliques. En conséquence, mon ouvrage actuel ayant pour but l’examen de chacun de ces récits en particulier, je pourrais passer immédiatement de l’Introduction au corps même du traité. Cependant il peut paraître utile de faire précéder cette recherche spéciale d’une question générale : c’est de savoir jusqu’à quel point l’existence de mythes, dans la religion chrétienne, est compatible avec le caractère de cette religion, et jusqu’à quel point encore il est loisible, en vertu de la nature dominante des récits évangéliques, de les considérer comme des mythes. Remarquons toutefois que, si l’examen critique des détails qui va suivre dans mon livre réussit à prouver l’existence positive de mythes dans le Nouveau Testament, la démonstration préliminaire de la possibilité de cette existence devient ici quelque chose de superflu.

Si nous comparons les religions de l’antiquité, appelées mythologiques, avec les religions juive et chrétienne, nous serons frappés certainement de plusieurs différences entre les histoires sacrées des premières et les histoires sacrées des deux dernières. Avant tout, on fait ordinairement remarquer que l’histoire sacrée de la Bible se distingue essentiellement, par son caractère et sa valeur morale, des légendes divines des Indiens, des Grecs, des Romains, etc. « Dans les unes, dit-on, il s’agit des combats, des amours de Crichna, de Jupiter, et de tant de récits qui choquaient déjà le sentiment moral des païens éclairés, et qui révoltent le nôtre ; dans les autres, le cours entier de la narration n’offre rien qui ne soit digne de Dieu, qui ne soit propre à instruire l’intelligence, à élever le cœur. » Ici, d’une part, on peut répondre, au nom du paganisme, que l’apparence immorale de plusieurs récits tient à ce que la signification primitive en a été, plus tard, mal comprise ; d’autre part, on a contesté à l’Ancien Testament que la pureté morale