Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/167

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pareilles fictions d’un individu peuvent encore être appelées des mythes. En soi, elles ne sont pas mythiques ; elles ne le deviennent qu’autant que, trouvant croyance, elles passent dans la légende d’un peuple ou d’un parti religieux, car alors il est clair que l’auteur les a conçues, non d’après ses propres pensées, mais en accord avec les sentiments d’une foule d’hommes[1].

Ce qui a été dit plus haut sur l’époque de la formation de plusieurs mythes évangéliques a encore de l’importance pour repousser une objection souvent renouvelée. L’espace, a-t-on dit, de trente et quelques années écoulées depuis la mort de Jésus jusqu’à la destruction de Jérusalem, espace pendant lequel la plus grande partie des récits évangéliques a dû se former, et même l’intervalle jusqu’à la moitié du iie siècle, le temps le plus long qu’on puisse accorder pour le développement des plus récents de ces récits et pour la rédaction de nos évangiles, sont beaucoup trop courts pour qu’on y conçoive la création d’un cycle mythique aussi riche[2]. Je réponds que, dans le fait, ce n’est pas durant ce laps de temps que s’est formée la plus grande partie du cycle évangélique ; le premier fondement en était dans les mythes de l’Ancien Testament, composés avant et après l’exil de Babylone ; l’application de ces mythes au Messie attendu, et leurs modifications en ce sens, se sont poursuivies durant tout le cours des siècles écoulés depuis lors jusqu’à Jésus. Ainsi, entre le temps de la naissance de la première communauté chrétienne et celui de la composition des récits évangéliques, il n’y eut pas autre chose à faire qu’à transporter sur Jésus les mythes messianiques, déjà tous formés pour la plupart, et à les modifier dans le sens chrétien et d’après les conditions individuelles de Jésus

  1. C’est l’avis de Müller, Theol. Studien u. Kritiken, 1836, 3, S. 839 ff.
  2. C’est ce que disent presque tous ceux qui ont parlé de la première édition de mon livre.