Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/18

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le philosophe de jadis, le sophisme qui lui nie son progrès, l’humanité marche, sans que rien l’arrête, dans la carrière de son destin naturel.

Autre et non moins subversive est l’opinion de ceux qui nient l’esprit ancien. C’est l’opinion révolutionnaire. Pour elle il n’y a que fraude, mensonge et oppression dans les théologies qui se sont succédé ; des hommes menteurs d’un côté, des hommes crédules de l’autre, voilà toute l’explication de ce long passé ; et la science perd sa peine quand elle cherche à découvrir autre chose dans ces institutions des vieux âges. Mais si l’esprit moderne a ses droits, l’esprit ancien a aussi les siens. Non, ce n’est pas en vain que les générations de nos aïeux ont élevé leurs temples, empli le monde de leurs adorations, et, par cette aspiration morale, permis aux plus précieuses forces de l’humanité de se développer. Nous leur devons ce que nous sommes, et l’esprit orgueilleux qui les nie et les méprise ne le peut que nourri de leur lait et pénétré de leur vie. On rend inexplicable toute l’histoire, et, sans le savoir ni le vouloir, on introduit le miracle ; car quel plus grand miracle pourrait-il y avoir que la naissance d’une civilisation telle que la moderne, sortant, comme la déesse païenne, de l’écume de la barbarie et de l’ignorance ? En même temps on coupe toutes les racines qui attachent la société ; et, comme les faits le prouvent, on la met dans cette situation instable qui y amène à la suite les unes des autres les révolutions sur le sol ébranlé de l’Europe.

Tout le sens des théologies est perdu quand on ne peut parvenir à le comprendre tel qu’il est donné. L’allégorie aussi s’est essayée à trouver la clef de leurs mystères, supposant que des vérités profondes, c’est-à-dire des vérités telles qu’elles sont pour nous hommes