Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/201

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au contraire cette dernière supposition comme la donnée primitive, et aussitôt la conclusion se tire sans difficullé. Il faut donc dire : on admettait volontiers, au sujet des grands hommes, qu’ils naissaient de parents âgés[1], et que des messagers célestes annonçaient leur naissance, qu’humainement on ne pouvait plus attendre[2]. Jean fut un grand homme et un grand prophète ; en conséquence la légende le fit aussi naître tard dans le mariage de ses parents, et fit annoncer sa naissance par un ange.

En interprétant le récit de la naissance de Jean-Baptiste comme un demi-mythe ou mythe historique, on est pressé de toutes les difficultés d’une demi-mesure. Par ce motif, Gabler aima mieux y voir un mythe pur, appelé philosophique ou plutôt dogmatique[3] ; et Horst regarda aussi les deux premiers chapitres de Luc et le récit en question qui en fait partie, comme une fiction symbolique, où l’histoire de la naissance du Précurseur est jointe à celle de la naissance du Messie, et où les prédictions sur le caractère et les œuvres du premier ont été composées d’après l’événement ; et, dans tout cela, ce qui trahit le poëte, c’est justement la franche exactitude de la narration dans tous les

  1. La cause d’une telle opinion est le mieux expliquée dans un passage, classique en cette matière, de l’évangile de la Nativité de Marie (Fabricius, Codex apocryphus N. T. 1, p. 22 et seq. ; Thilo, 1, p. 322). « Deus, y est-il dit, cum alicujus uterum claudit, ad hoc facit, ut mirabilius denuo aperiat, et non libidinis esse, quod nascitur, sed divini muneris cognoscatur. Prima enim gentis vestræ Sara mater nonne usque ad octogesimum annum infœcunda fuit ? et tamen in ultima senectutis ætate genuit Isaac, cui repromissa erat benedictio omnium gentium. Rachel quoque, tantum Domino grata, tantumque a sancto Jacob amata, diu sterilis fuit, et tamen Joseph genuit non solum dominum Ægypti, sed plurimarum gentium fame periturarum liberatorem. Quis in ducibus vel fortior Sampsone, vel sanctior Samuele ? et tamen hi ambo steriles matres habuere… Ergo… crede… dilatos diu conceptus et steriles partus mirabiliores esse solere. » La teinte christiano-ascétique de ce passage ne nous empêche pas (Hoffmann, S. 141) d’y trouver l’expression exacte de l’idée de l’Ancien Testament. Qu’on mette seulement, au commencement, naturæ, si l’on veut, au lieu de libidinis, et qu’on dise ensuite quelle signification, si ce n’est celle de notre Apocryphe, les Juifs pouvaient trouver dans ces histoires de la naissance d’Isaac, etc., même la réalité en étant admise.
  2. De Welle, Kritik der mosaischen Geschichte, S. 67.
  3. Neuestes theol. Journal, 7, 1, S. 402 f.