Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/268

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de suspicion, contrairement à la critique, une partie de ce récit si bien enchaîné. Dans le premier système, c’est-à-dire l’altération du sens, la demande de Marie : Comment cela se peut-il, puisque je ne connais pas d’homme ? πῶς ἔσται τοῦτο, ἐπεὶ ἄνδρα οὐ γινώσκω (1, 34), devait signifier : Comment moi déjà fiancée et mariée, puis-je enfanter le Messie, puisque je devrais, si j’étais sa mère, n’avoir point de mari ? À quoi l’ange répond que Dieu, par sa vertu, peut faire quelque chose de spécial même de l’enfant engendré avec Joseph[1]. Le second système n’est pas moins arbitraire ; on y explique la question intercurrente de Marie, citée plus haut, comme une interruption, peu naturelle, il est vrai, du discours de l’ange ; on n’en tient aucun compte, et dès lors on prétend que le passage ne renferme aucune allusion précise à la conception surnaturelle de Jésus[2].

Ainsi la difficulté d’une explication naturelle est égale pour les deux récits ; et il fallait ou y renoncer des deux côtés ou la risquer des deux côtés ; des rationalistes conséquents, tels que Paulus, ne pouvaient prendre que ce dernier parti. Ce commentateur regarde comme exclue par Matthieu, 1, 18, la participation de Joseph, mais non celle de tout autre homme ; il ne peut pas davantage trouver une opération merveilleuse et divine dans les expressions de Luc (1, 33) esprit saint, πνεῦμα ἅγιον, et puissance du Très-Haut, δύναμις ὑψίστου. L’esprit saint, πνεῦμα ἅγιον, n’est pour lui rien qui ait agi du dehors sur Marie ; ce n’est pas autre chose que sa pieuse imagination. La puissance du Très-Haut, δύναμις ὑψίστου, n’est pas pour lui la toute-puissance divine ; mais toute force naturelle employée d’une façon qui plaît à Dieu, peut être ainsi appelée. En conséquence, d’après Paulus, le sens des paroles de l’ange est le

  1. Remarques sur le point de foi : Le Christ a été conçu du Saint-Esprit, dans Henke’s neues Magazin, 3, 3, 399.
  2. Schleiermacher, Ueber den Lukas, S. 26 f.