Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/275

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garantissent la réalité au moins dans une manifestation historique. En effet, un pressentiment général, une conception générale doivent avoir pour fondement une vérité ; seulement la vérité ne consistera pas en un fait particulier qui correspond exactement à la conception générale, mais elle consistera dans une idée métaphysique qui se réalise en une série de faits particuliers, lesquels souvent n’ont aucune ressemblance avec cette conception générale. De même que la conception très répandue d’un âge d’or ne prouve pas que l’âge d’or ait jamais existé, de même la conception de naissances divines ne prouve pas que jamais un individu soit venu à l’existence de cette manière ; elle a sa vérité dans toute autre chose[1].

On ferait une objection plus essentielle contre l’analogie dont il s’agit ici, en disant que les opinions du paganisme ne prouvent rien pour les Juifs, peuple fermé dans son propre cercle, et qu’en particulier l’idée de fils de dieux, laquelle appartient au polythéisme, n’a pas eu d’influence sur l’idée strictement monothéistique qu’ils se faisaient du Messie[2]. En général, il ne faut pas trop se hâter d’argumenter de l’expression : fils de Dieu, laquelle se trouve aussi chez eux ; là où dans l’Ancien Testament elle est appliquée à des magistrats (Psalm. 82, 6) ou à des rois théocratiques (2 Samuel, 7, 14 ; Psalm., 2, 7), elle indique seulement ce rapport théocratique, et non un rapport physique ou métaphysique ; encore moins faut-il attacher de l’importance au langage flatteur d’un Romain qui, dans Josèphe, appelle fils de dieux de jeunes princes juifs, remarquables par leur beauté[3]. Mais, comme il a été remarqué plus haut[4], les Juifs croyaient que l’esprit coopérait à la naissance des hommes pieux ; de plus, que les hommes forts que Dieu

  1. Hase, L. J., §.33, tombe d’accord de ce point. Voyez De Wette, Exeg. Handbuch, 1, 1, S. 19.
  2. Neander, L. J. Ch. S. 10.
  3. Antiq., 15, 2, 6.
  4. § 28.