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§ XXX.


Relations de Joseph avec Marie. — Frères de Jésus.

Nos évangiles sont tout à fait conformes à l’esprit de l’ancienne légende, quand ils trouvent convenable de ne faire toucher ni profaner par aucun homme terrestre la mère de Jésus, pendant tout le temps qu’elle porta ce fruit céleste dans son sein. En conséquence, Luc (2, 5) ne représente, avant la naissance de Jésus, Joseph que comme le fiancé de Marie ; et de même qu’il est dit du père de Platon, sa femme étant devenue enceinte d’Apollon : Il la garda pure de tout commerce matrimonial jusqu’à l’accouchement, ὅθεν καθαρὰν γάμου φυλάξαι ἕως τῆς ἀποκυήσεως[1], de même il est dit de Joseph dans Matthieu : Il ne connut pas sa femme jusqu’à ce qu’elle eut mis au monde son fils premier-né, καὶ οὐκ ἐγίνωσκεν αὐτὴν, ἕως οὗ ἔτεκε τὸν υἱὸν αὑτῆς τὸν πρωτότοκον. Évidemment dans les deux passages parallèles le mot ἕως, jusqu’à, doit être entendu de la même manière ; or, dans le passage de Diogène Laërte, il ne signifie incontestablement que ceci : Jusqu’à la naissance de Platon, son père s’abstint de tout rapport avec sa femme ; ensuite il rentra dans ses droits conjugaux. Nous savons, en effet, que Platon a eu des frères. Donc le mot ἕως, relativement aux parents de Jésus, ne doit pas être entendu autrement, c’est-à-dire que ce mot nie les rapports conjugaux jusqu’à la limite indiquée, mais les suppose tacitement, passé cette limite. De même l’expression premier-né, πρωτότοκος, qui, dans les deux évangiles, est appliquée à Jésus (Matth., 1, 25 ; Luc, 2, 7), paraît supposer d’autres enfants de Marie, d’après l’argument de Lucien : S’il est premier, il n’est pas seul ; s’il est seul, il n’est pas premier[2]. Dans les mêmes évangiles (Matth., 13, 55 ;

  1. Diog. Laert., 3, 1, 2. Comparez Origène, C. Cels., 1, 37.
  2. Εἰ μὲν πρῶτος, οὐ μόνος· εἰ δὲ μόνος, οὐ πρῶτος. Dæmonax, 29.