Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/293

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extraordinaires, et que leur conversation perde si complètement la couleur d’un dialogue, telle qu’on pourrait l’imaginer en de pareilles circonstances. Seule, une influence céleste a pu élever l’état moral des deux amies à un degré si étranger aux habitudes de la vie. Mais si le cantique de Marie doit être considéré comme l’œuvre de l’Esprit saint, πνεῦμα ἅγιον, on trouvera étonnant qu’un discours qui sort immédiatement de la source divine de l’inspiration ne soit pas marqué d’une plus grande originalité. Ce discours est, en effet, parsemé de réminiscences prises à l’Ancien Testament, et particulièrement au cantique de louanges prononcé, dans des circonstances analogues, par la mère de Samuel (1 Sam., 2)[1]. En conséquence, nous sommes forcé d’admettre que le discours de Marie a été composé, par un procédé naturel, à l’aide de souvenirs de l’Ancien Testament ; seulement, puisque cette composition a réellement été faite sans intervention surnaturelle, il faut l’attribuer, non à Marie, dont le caractère simple exclut une telle supposition, mais à celui qui a remanié poétiquement la légende qui circulait sur la scène en question. Ainsi les circonstances principales de cette visite ne sont pas concevables par l’explication surnaturelle ; elles n’en comportent pas une naturelle ; et, pour ce morceau comme pour les précédents, nous sommes amenés à une explication mythique. La voie a déjà été frayée par d’autres. L’anonyme E. F., dans le Magasin de Henke[2], a dit de cette narration qu’elle ne relatait pas exactement les choses comme elles s’étaient passées, mais qu’elle les relatait comme elles auraient dû se passer ; il ajoute en conséquence que maintes particularités que la suite des événements révéla sur la destination des

  1. Comparez spécialement Luc, 1, 47, avec 1 Samuel, 2, 1 ; Luc, v. 49, avec Sam., v. 2 ; Luc, v. 51, avec Sam., v. 3 seq. ; Luc, v. 52, avec Sam., v. 8 ; et Luc, v. 53, avec Sam., v. 5. Comparez encore Luc, v. 48, avec 1 Sam., 1, 11 (prière de Anna pour obtenir un enfant) ; v. 50, avec 5 Mos., 7, 9 ; v. 32, avec Sir., 10, 14, v. 54, avec Ps. 98, 3.
  2. 5. Band, 1. Stück, S. 161 f.