Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/306

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commis au moins une inexactitude, en disant que le but du voyage de Marie avait été de se faire inscrire au lieu d’où son fiancé était originaire ; ou, si l’on évite cette inexactitude en forçant, avec Paulus, la construction de la phrase, on ne voit plus ce qui put décider Marie à entreprendre un tel voyage dans l’état de grossesse où elle se trouvait ; car elle n’avait absolument rien à faire à Bethléem, à moins qu’on ne suppose, par une hypothèse en l’air, avec Olshausen et d’autres, qu’elle était héritière de biens sis dans cette ville.

La vérité est que notre évangéliste savait fort bien ce qu’elle allait faire à Bethléem : elle allait y accomplir la prophétie de Michée, qui avait dit (5, 1) que le Messie naîtrait dans la ville de David. Partant de la supposition que les parents de Jésus avaient eu leur résidence véritable à Nazareth, il chercha un levier pour les amener à Bethléem au moment de la naissance de Jésus. Rien ne s’offrit à lui que le célèbre recensement ; il s’en empara avec d’autant moins d’hésitation que, se faisant une idée fort confuse de l’état politique du temps, il ignorait les nombreuses difficultés inhérentes à cette combinaison. S’il en est ainsi, il faudra convenir que K. Ch. L. Schmidt a toute raison de soutenir que, essayer d’accorder avec la chronologie le dire de Luc sur le recensement, c’est faire beaucoup trop d’honneur à l’évangéliste ; qu’il a voulu transporter Marie à Bethléem, et que, cela fait, les dates se sont arrangées comme elles ont pu[1]

    passage de Denys d’Halicarnasse, Ant. Rom., 4, 14, passage qui lui est fourni par Lardner. Pour des gens comme Olshausen, une pareille assertion est vraie sans autre vérification, et il la copie textuellement (p. 127) ; mais, si l’on recourt au passage, on n’y trouve rien que le décret de Servius Tullius, d’après lequel les Romains devaient se faire inscrire avec leurs femmes et leurs enfants, γυναῖκάς τε καὶ παῖδας, dont ils donnent seulement le nom (ὀνομάζοντας), sans les amener avec eux. Le nom le plus doux que l’on puisse appliquer à cette manière d’invoquer les autorités est inadvertance.

  1. Dans Schmidt’s Bibliothek für Kritik und Exegese, 3, 1, S. 124. Comparez Kaiser, bibl. Theologie, 1, S. 230 ; Ammon, Fortbildung, 1, S. 196 ; Credner, Einl. in d. N. T., 1, S. 155 ; De Wette, Exeget. Handbuch z. d. St. Il est singulier que Sieffert (Ueber den Ursprung des ersten Ev. S. 68 ff., 158 ff.) fasse un reproche à Matthieu de ne rien savoir des circonstances qui ame-