Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/319

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accueil qu’il trouva parmi les hommes[1]. D’après les deux récits, une apparition céleste appelle l’attention sur le Messie nouveau-né ; d’après Luc, c’est un ange entouré de lumière ; d’après Matthieu, c’est une étoile. Les sujets auxquels le signe apparaît sont différents comme le signe même : là ce sont de simples bergers à qui l’ange parle ; ici ce sont des mages orientaux qui savent eux-mêmes interpréter le signe muet. Les uns et les autres sont adressés à Bethléem, les bergers par les paroles de l’ange, les mages après avoir pris des renseignements à Jérusalem ; et les uns et les autres rendent hommage à l’enfant, les bergers par des cantiques qu’ils entonnent, les mages par des présents précieux, productions de l’Orient, leur patrie. Mais, à partir de là, les deux récits commencent à diverger plus notablement. Dans Luc, tout se passe heureusement : les bergers reviennent joyeux et l’enfant n’éprouve aucun mal ; il peut même être présenté dans le temple au temps voulu, et il continue à croître en paix. Dans Matthieu, au contraire, la chose prend une tournure tragique : les mages, en s’enquérant, dans Jérusalem, du roi nouveau-né des Juifs, provoquent de la part d’Hérode un ordre sanguinaire contre les enfants de Bethléem ; l’enfant Jésus n’y est soustrait que par la prompte fuite qui l’emporte dans l’Égypte voisine, et il ne revient dans la Terre-Sainte qu’après la mort d’Hérode.

Nous avons donc ici une double introduction de l’enfant messianique, et nous pouvons nous la représenter ainsi : l’une, dans Luc, a pour but d’apprendre au voisinage la naissance de Jésus ; l’autre, dans Matthieu, de la faire savoir aux contrées éloignées. Mais, d’après Matthieu, la naissance de Jésus n’est connue dans le voisinage même, c’est-à-dire à Jérusalem, que par l’étoile ; en conséquence, si ce récit est historique, celui de Luc, d’après lequel les bergers, louant

  1. Comparez Schneckenburger, über den Ursprung des ersten kanonischen Evangeliums, S. 69 ff.