Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/320

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Dieu, racontent partout (v. 17, 20) ce qui leur avait été annoncé comme l’affaire de tout le peuple (v. 10) ne peut plus être vrai ; et réciproquement, si, d’après Luc, la naissance de Jésus a été rendue publique dans la région de Bethléem par un ange et par l’intermédiaire des bergers, ce que dit Matthieu doit être faux, lui qui ne fait arriver que plus tard, par les mages, la première nouvelle de cette naissance à Jérusalem, éloignée de Bethléem seulement de deux ou trois heures de marche. Or, plusieurs motifs nous ont décidé à regarder comme non historique le récit que fait Luc de l’annonciation de la naissance par les bergers ; il nous resterait donc de la place pour celui de Matthieu, et il faut chercher en des motifs intrinsèques la croyance historique qu’il mérite.

La narration commence absolument comme s’il allait sans dire que des astrologues sont en état de reconnaître, dans un astre annonçant la naissance du Messie, la signification de ce phénomène. Nous pourrions nous étonner que des mages païens aient eu, au fond de l’Orient, des notions sur un roi juif à qui ils devaient payer le tribut d’une adoration ; quant à présent, nous nous tiendrons pour satisfaits, en sachant que, soixante-dix ans plus tard, l’attente d’un dominateur du monde qui devait naître au sein du peuple juif était répandue dans l’Asie[1]. Une difficulté plus grave nous arrête ici : C’est que l’astrologie, comme il le paraît d’après ce récit, aurait raison quand elle soutient que la naissance des grands hommes et les mutations considérables des choses humaines sont annoncées par des phénomènes astronomiques. Or, depuis longtemps cette opinion est tombée dans le domaine de la superstition. Il faudrait alors

  1. Joseph. B. j., 6, 6, 4 (Olshausen cite ici, par le malentendu d’une citation de Kuinœl, qui est erronée aussi, des chapitres de Josèphe dans lesquels non seulement il n’y a rien de cette attente, mais qui n’existent même pas) ; Tacite, Hist. 5, 13 ; Suétone, Vespas. 4. Ce qui nous est resté des temps mêmes de la naissance du Christ ne se rapporte que d’une manière indéterminée à un dominateur du monde. Comparez Virgile, Ecl. 4. Suétone, Octav. 94.