Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/321

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tenter d’expliquer comment cet art trompeur a pu avoir raison dans ce cas particulier, sans qu’on dut en rien conclure pour d’autres cas. Le parti le plus court pour l’orthodoxie serait d’invoquer une dispensation extraordinaire de Dieu, qui, pour amener de loin les mages auprès de Jésus, s’accommoda, cette fois, à leurs idées astrologiques, et fit apparaître à leurs yeux l’étoile qu’ils attendaient. Mais, avec cet expédient, on se plonge dans un embarras considérable ; une telle concordance entre l’événement le plus remarquable et la divination astrologique devait confirmer dans leur foi à cette science mensongère non seulement les mages et leurs compatriotes, mais encore les Juifs et les chrétiens qui apprirent ces merveilles, et causer par là une erreur et un mal incalculables. Donc, s’il n’est pas convenable de faire intervenir ici une dispensation extraordinaire de Dieu[1], et si cependant on ne veut pas non plus admettre que, d’après le cours régulier de la nature, des changements astronomiques concourent avec des événements importants qui se passent sur la terre, il faudrait admettre, dans ce cas particulier, une coïncidence fortuite ; mais invoquer le hasard, c’est ou ne rien dire, ou abandonner le point de vue surnaturel.

Non seulement l’opinion orthodoxe sur le récit en question confirme la fausse science des astrologues, mais encore elle justifie une fausse explication d’une prophétie ; car, tandis que les mages qui suivent leur étoile prennent la bonne route, les chefs des prêtres et les scribes de Jérusalem, qu’Hérode convoque sur la nouvelle de l’arrivée et du dessein des mages, et qu’il interroge sur le lieu de la naissance du roi des Juifs, expliquent le passage du prophète

  1. Lorsque je dis qu’il ne convient pas de supposer qu’une intervention divine favorise la superstition, je parle de la prétendue intervention immédiate ; dans l’intervention médiate, qui renferme la coopération de l’homme, le vrai et le faux sont toujours mêlés ensemble. Neander, L. J. Ch. S. 29, confond ces deux points de vue.