Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous aurions cinq dispensations divines extraordinaires, à savoir : une étoile et quatre visions en songe. Déjà l’étoile et la première vision auraient pu, comme il a été remarqué plus haut, être réunies en un seul miracle, non seulement sans inconvénient, mais encore avec avantage ; c’est-à-dire que l’étoile ou la vision en songe aurait dû conduire les mages tout d’abord de Jérusalem à Bethléem, ce qui, peut-être, aurait évité le massacre qu’Hérode devait ordonner. Mais ce qui est tout à fait superflu, c’est que les deux derniers avertissements en songe ne soient pas réunis en un seul ; car l’avis donné à Joseph de se rendre à cause d’Archélaüs, non à Bethléem, mais à Nazareth, aurait pu, au lieu de faire l’objet d’une vision particulière, être donné simplement dans la vision précédente. Quand on voit le merveilleux ainsi prodigué sans aucun égard pour la lex parcimoniæ, on est tenté d’attribuer cette profusion plutôt aux opinions humaines qu’à la providence divine.

Les fausses explications de passages de l’Ancien Testament qu’offre ce chapitre sont couronnées par le dernier verset où il est dit : que par l’établissement des parents de Jésus à Nazareth a été accomplie la prédiction des prophètes, il sera appelé Nazaréen, ὅτι Ναζωραῖος κληθήσεται. Or, cette prophétie ne se trouve pas avec les mêmes termes dans l’Ancien Testament ; et, à moins que, perdant courage, on ne veuille se réfugier dans les ténèbres, en admettant qu’elle a été prise ou à un livre canonique perdu[1] ou à un apocryphe perdu[2], il faut adresser à l’évangéliste l’un ou l’autre de ces reproches : ou bien il s’est permis une désignation extrêmement arbitraire si, ainsi que le prétendent quelques théologiens, il a exprimé le sens des prophéties de l’Ancien Testament qui annonçaient que le Messie serait méprisé, en disant qu’il sera un Nazaréen, c’est-à-

  1. Chrysostôme et d’autres.
  2. Gratz, Comm. zum Ev. Matth., 1, S. 115.