Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/39

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inexorables font et défont à jamais les choses, nous n’avons pas d’autre médiateur que l’Humanité. Elle s’interpose, et, à la faveur de sa longue durée dans le temps, de sa puissance dans l’espace, de son génie qui se développe, de sa bonté qui devient plus active, notre situation reçoit des amendements séculaires qui font le charme des vivants et la gloire des morts. Quelque réguliers que soient les phénomènes dont l’ensemble cosmique est le théâtre, cependant ils sont modifiables les uns par les autres, et d’autant plus qu’ils sont plus compliqués. Là est la source de tout pouvoir sur la nature. Que peut l’individu contre les forces qui déterminent tout : les mouvements mécaniques, les effets physiques, les combinaisons chimiques et les organisations vivantes ? Rien, pour ainsi dire, rien que la plus brute protection de son existence. Mais, au fur et à mesure que le temps s’ajoute au temps, et les générations aux générations, l’Humanité, d’abord faible et latente, accumule peu à peu ses trésors, embellit la vie, éclaire les sociétés, cultive et assainit le globe terrestre, jusqu’à ce qu’enfin, se dégageant des derniers voiles, elle vienne apprendre aux hommes ce qu’elle est, et comment il faut la servir en esprit et en vérité.

Et de fait, ce n’est pas tout d’abord, il s’en faut, que cette image pût apparaître resplendissante ; une longue préparation fut nécessaire ; beaucoup de siècles, des circonstances favorables, des hommes de génie, et, si je puis m’exprimer ainsi, des nations de génie (car il en est évidemment de telles) concoururent à cette évolution définitive. Une révélation perpétuelle et croissante s’étend parmi les hommes, non pas au hasard, mais d’après des conditions déterminées, qui sont celles du monde physique d’abord, puis du monde or-