Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/394

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croire qu’il eût reçu l’instruction scolastique d’un rabbin[1], car la salutation de ῥαϐϐί, mon maître, et le droit de faire leçon dans la synagogue (Luc, 4, 16 seq.), circonstance de laquelle on s’est aussi appuyé, n’étaient pas seulement le privilège des rabbins gradués, mais appartenaient à tout maître qui avait fait ses preuves[2]. Les ennemis de Jésus, et il ne les contredit pas (Joh., 7, 15), lui reprochèrent de n’avoir pas été instruit dans les lettres, γράμματα μὴ μεμαθηκώς ; à en juger par l’étonnement qu’expriment les Nazaréens (Matth., 13, 54 seq.) en trouvant en lui une telle sagesse, il n’était pas à leur connaissance qu’il eût fait quelque étude. À ces raisons on ne peut guère opposer ce que Jésus dit de lui-même en se représentant comme le modèle d’un docteur de l’Écriture, γραμματεύς, formé pour le royaume de Dieu (Matth., 13, 52)[3] ; car cette expression signifie un docteur de l’écriture en général et non un docteur formée par l’école. Enfin Jésus montre, il est vrai, dans le discours de la montagne (Matth., 5 seq.) et dans le discours contre les Pharisiens (Matth., 23) une connaissance exacte des traditions doctrinales des rabbins et de leur abus[4], mais il put l’acquérir par les fréquents discours des Pharisiens au peuple, sans suivre un cours de leçons auprès d’eux. Ainsi des données puisées dans les Évangiles et réunies ensemble, il résulte, en dernière analyse, que Jésus n’avait pas traversé formellement les degrés d’une école rabbinique. Pourtant il faut considérer qu’il a été dans l’intérêt de la légende chrétienne de représenter Jésus comme indépendant de docteurs terrestres : ces données du Nouveau Testament sont donc, à leur tour, sujettes à des doutes, et l’on peut se laisser aller à la supposition que Jésus n’avait peut-être pas été aussi complètement étranger

  1. Paulus, l. c., S. 275 ff., s’appuie sur ces circonstances.
  2. Comparez Hase, Leben Jesu, § 38 ; Neander L. J. Chr., S. 45 f.
  3. Paulus, l. c.
  4. Schœttgen invoque ces passages : Christus rabbinorum summus, dans Horæ, 2, p. 890 seq.