Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/437

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mais surtout avec l’addition de Dieu, τοῦ Θεοῦ, signifiait, non un agneau en général, mais un certain agneau sacré. Et si ce passage, conformément à l’explication la plus vraisemblable, se rapporte à l’agneau d’Isaïe (53, 7), les mots : prendre le péché, αἴρειν τὴν ἁμαρτίαν, ne pourront être expliqués qu’à l’aide de l’endroit correspondant du prophète ; or, il y est dit du serviteur de Dieu, comparé à un agneau, qu’il porte nos péchés et qu’il souffre pour nous, τὰς ἁμαρτίας ἡμῶν φέρει, καὶ περὶ ἡμῶν ὀδυνᾶται (v. 4, LXX) ; donc il s’agit d’une souffrance expiatoire[1]. Mais dans ces derniers temps on a trouvé douteux que Jean-Baptiste eut rapporté ce passage du prophète au Messie, et que par conséquent il eût regardé le Messie comme souffrant[2] ; car, d’après l’opinion courante du moins, une telle idée du Messie était si étrange que les disciples de Jésus, pendant tout le temps de leurs relations avec lui, ne purent s’y familiariser ; et, après sa mort, ils doutèrent complètement de lui comme Messie (Luc, 24, 20 seq.). Comment donc Jean-Baptiste, qui, d’après la propre déclaration de Jésus (Matth., 11, 11), était bien au-dessous des citoyens du royaume céleste, au nombre desquels les apôtres étaient déjà rangés ; comment, disons-nous, Jean-Baptiste, placé plus bas qu’eux, aurait-il compris, longtemps avant la passion de Jésus, la nécessité de cette passion pour le Messie, tandis que l’évènement seul put la faire comprendre aux disciples immédiats ? Ou, si Jean avait véritablement conçu cette opinion, et s’il l’avait exprimée à ses adhérents, comment, par l’intermédiaire de ceux qui, de l’école de Jean, passèrent dans la compagnie de Jésus, n’aurait-elle pas trouvé accès dans cette compagnie même ? et comment surtout, en raison de la considération dont Jean-Baptiste jouissait, n’aurait-elle pas atténué, dans

  1. De Wette, De morte Christi expiatoria, dans ses Opusc. theol., p. 77 ff. ; Lücke, Comm. zum Ev. Joh., 1, S. 347 ff. ; Winer, Bibl. Realwörterb., 1, S. 693, Anm.
  2. Gabler et Paulus, l. c. ; et De Wette, l. c., S. 75 ff. ; 80 ff.