Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/438

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un public plus étendu, les doutes que causa la mort de Jésus ? En outre, parcourons tous les renseignements que nous possédons sur Jean-Baptiste en dehors du quatrième évangile ; nulle part nous ne trouvons qu’il ait exprimé de pareilles opinions sur le destin du Messie. Pour ne rien dire de l’historien Josèphe, nous lisons dans les synoptiques que Jean-Baptiste parla d’un Messie qui venait après lui, mais dont il bornait toute l’œuvre au baptême spirituel et au triage du peuple. Cependant il reste toujours possible que, dès avant la mort de Jésus, un homme au regard pénétrant comme Jean-Baptiste se soit fait, par les passages et les types de l’Ancien Testament, une idée du Messie souffrant[1], sans que ses disciples et ses contemporains aient compris ses obscures allusions à ce sujet. D’un autre côté, Jean-Baptiste n’est connu que pour avoir mis en relief le côté pratique de l’idée du règne du Messie, et l’on commence à concevoir des doutes quand on voit le seul quatrième évangile lui attribuer deux conceptions qui, à cette époque, n’appartenaient sans doute qu’à la plus profonde spéculation sur le Messie. L’expression de ces deux conceptions porte tellement l’empreinte de l’auteur du quatrième évangile, qu’on ne peut s’empêcher de mettre au moins la forme sur le compte de cet évangéliste.

Il est certain que parfois l’auteur du quatrième évangile, en transmettant les paroles d’autrui, fait plus qu’y ajouter la forme et la rédaction ; on le voit par le discours qu’il met (3, 27-36) dans la bouche de Jean-Baptiste en réponse a la plainte de ses disciples sur le nombre croissant des adhérents de Jésus. Après que Jean-Baptiste a déclaré que, d’après leur destination respective au delà de laquelle il ne désire pas aller, lui doit décroître et Jésus augmenter, il

  1. De Wette, sur le passage de Jean ; Neander, S. 78 : ce dernier, avec la restriction que peut-être Jean-Baptiste n’a parlé que des péchés du peuple, tandis que l’évangéliste, partant de son propre point de vue, a mis le monde au lieu du peuple.