Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/99

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historique, mais elle est patriotique et poétique. Or, une curiosité patriotique se contente de tout ce qui flatte sa passion. Plus les récits sont beaux, honorables, merveilleux, mieux ils sont reçus, et là où la tradition a laissé des lacunes, l’imagination accourt aussitôt avec ses suppléments pour les combler. Une bonne partie des livres historiques de l’Ancien Testament, continue De Wette, portant cette empreinte, on a toujours cru jusqu’ici (c’est-à-dire les auteurs des explications naturelles) pouvoir séparer du fond historique ces embellissements et ces transformations, et employer les récits qu’ils contiennent comme renseignements historiques. Ce se serait possible si, à côté de la relation merveilleuse, nous avions une relation autre et purement historique sur les mêmes événements. Mais il n’en est pas ainsi pour l’histoire de l’Ancien Testament ; nous n’avons absolument que ces documents, que nous ne pouvons accepter comme purement historiques, Or, nous n’y trouvons aucun critérium pour y distinguer le vrai du faux, l’un et l’autre y étant confusément mélangés et y jouissant du même honneur. D’après De Wette, une objection qui ruine, dans son principe général, toute l’explication naturelle, c’est qu’une histoire ne peut être connue que par la relation qu’on en possède, et qu’il n’est pas possible d’aller au delà. Or, dans le cas actuel, la relation nous informe d’une marche surnaturelle des choses, marche que nous pouvons ou croire ou nier. Si nous la nions, reconnaissons que nous ne savons rien de cette marche elle-même, mais gardons-nous d’en imaginer une naturelle, dont la relation ne dit pas un mot. C’est donc une inconséquence et de l’arbitraire[1] que d’attribuer à la poésie l’enveloppe seule des événements de l’Ancien Testament, et de vouloir conserver les faits à l’histoire ; l’ensemble, non moins que les détails, tombe dans le domaine de la poésie et du mythe. Soit, par exemple, l’al-

  1. Voyez la Préface, p. 3 et suiv.