Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/98

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dre que si l’on admet qu’ils ne proviennent pas de témoins oculaires, mais qu’ils ont été transmis par la chaîne de la tradition. Alors on n’est plus surpris d’y trouver des traces évidentes d’une époque postérieure, des nombres exagérés, avec d’autres inexactitudes et des contradictions ; on n’est plus surpris d’y trouer la demi-obscurité qui est jetée sur plusieurs événements, et de singulières idées, comme celles que les habits des Israélistes ne s’usèrent pas dans la traversée du désert. Vater soutient même qu’on ne peut retrancher du Pentateuque le merveilleux, sans faire violence à l’intention première des écrivains, qu’autant que l’on attribue à la tradition une grande part dans l’exposition de ces événements.

De Wette, d’une manière encore plus décidée que Vater, s’est déclaré contre l’explication naturelle et pour l’explication mythique de certaines parties de l’Ancien Testament. Pour déterminer la créance d’une relation, dit-il[1], il faut d’abord examiner la tendance du narrateur. S’il ne veut pas raconter la pure histoire ; s’il veut agir sur un autre mobile que la curiosité historique ; s’il veut amuser, émouvoir, rendre palpable une vérité philosophique ou religieuse, sa relation n’a aucune valeur historique. Même quand le narrateur a des intentions historiques, il peut néanmoins n’être pas placé au point de vue de l’histoire ; il peut être un narrateur poétique, non pas mené, comme un poëte, par une inspiration intérieure et subjective, mais plongé dans une poésie extérieure et objective dont il dépend. Cela est reconnaissable quand il raconte de bonne foi des choses qui sont absolument impossibles et inimaginables, et qui dépassent non seulement l’expérience habituelle, mais encore les lois de la nature. C’est la tradition qui donne naissance à des récits de ce genre. La tradition, dit De Wette, n’a point de critique et est partiale ; sa tendance n’est pas

  1. Kritik der mosaischen Geschichte, S. 11 ff.