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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/117

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Plein d’ivresse, d’horreur et de rêves malsains,
Tu hantais, quand tombaient les ténèbres, les bouges
Où luisent les couteaux pointus des assassins
Et les bijoux des filles rouges.

Mais qu’importe ? Le dieu qui mourut fou d’amour
Avait posé sa main sur ta tête de faune,
Et tu parlais comme un apôtre quand le jour
Montait sur Paris rose et jaune.

Et je voyais alors, malgré l’heure et le lieu,
Trembler dans ton regard une épouvante étrange :
Tu semblais demander : « Quel est cet astre, ô Dieu,
Où je me souille ainsi de fange ? »

Et, reprenant le lourd bâton de pèlerin
Dont tu frappais, boiteux, si durement la terre,
Tu partais pour dormir avec ton vieux chagrin
Dans quelque logis solitaire ;

Tu partais, appelant follement de la main
Je ne sais quelle ignoble ou sublime aventure,
Sans savoir qu’avançait sur ton triste chemin,
Vers toi, la Victoire future !