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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/150

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il célébrait le rhum à l’eau ; à Moréas, dont il chantait le dernier cigare. Ce gamin, contraste piquant, ressemblait étrangement à Delacroix jeune. Aussi se prenait-il, dans ses moments de distraction, fort au sérieux, et s’oubliait-il jusqu’à chanter, en des vers vraiment émus, les amours, les peines et le triste destin du pauvre F. A. C. Mais le rire, ce courage des bohèmes, éclatait bientôt au-dessus des regrets, et le pauvre F. A. C. redevenait le joyeux Cazals. Que de refrains endiablés il a lancés, castagnettes aux doigts, dans le caveau enfumé du Soleil d’Or, où le piano le plus infirme de Paris renonçait à l’accompagner ! Compagnon inséparable de Verlaine, qu’il amena même au Soleil d’Or, un soir de Carnaval, coiffé d’un énorme turban, il partageait la philosophie facile et débonnaire du maître, et s’accommodait gaillardement des hasards de la vie. Il répondait à la mauvaise fortune par des chansons. Toute une époque revit dans son recueil Le Jardin Des Ronces, dont le seul tort est de ne pas nous rajeunir. Où sont les refrains d’antan, et le rhum à l’eau de Verlaine, et le dernier cigare de Moréas ?

« Arrivé, comme dit Dante, au milieu du chemin de la vie, je ressens une joie un peu mélancolique à égrener les souvenirs qui me restent de ces jours