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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/175

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qui avaient annoncé une conférence par Paul Verlaine « le poète forçat. »

Parmi mes souvenirs en voici un plus mélancolique. C’était un soir où nous nous étions attardés, quelques camarades et moi, dans le caveau du Soleil d’Or, après une des fameuses soirées de la Plume. Le boulevard Saint Michel était désert. Nous allions notre chemin, assez silencieusement lorsque nous entendîmes le tapotement lourd et las d’une canne sur l’asphalte. Un homme en macfarlane nous précédait, boitant péniblement. C’était Verlaine. Nous l’entourâmes, nous lui fîmes fête, et nous l’invitâmes à souper avec nous. Mais cette nuit-là, il était sous l’influence saturnienne et ce ne fut pas sans peine que nous le forçâmes à accepter notre invitation. Il demeura maussade pendant tout le repas. À la fin l’un de nous lui demanda, assez maladroitement, de réciter quelque chose. Il s’exécuta, comme pour payer son écot, et nous dit la Chanson de Gaspar Hauser :

Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles
Vers les hommes des grandes villes,
Ils ne m’ont pas trouvé malin.

Vers infiniment empoignants par eux-mêmes. Mais comment rendre la triste voix éraillée, l’attitude abandonnée, le pauvre regard éperdu du