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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/176

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récitant ? Pas le moindre soupçon de cabotinage. Les vers furent dits avec une simplicité presque puérile. Mais toute la misère morale et physique de l’homme larmoyait, geignait, grondait dans cette voix qui emplissait de sa lamentation la salle presque vide du café d’Harcourt.

Un matin glacial de 1896, mon ami Henri Degron pénétra chez moi, en criant : « Verlaine est mort ! » Il venait de son domicile. Je me précipitai à mon tour à la maison mortuaire. Le fidèle ami de Verlaine, A. F. Cazals, m’introduisit dans la chambre du mort. Il était inimaginablement beau. Un sourire de béatitude errait encore sur ses lèvres. La tête était un peu penchée sur l’épaule gauche, comme dans un paisible sommeil. Le pauvre vieux faune était bien trépassé : l’âme seule du saint irradiait de ce cadavre. Depuis longtemps j’avais désappris de prier. Mais je me penchai sur Verlaine mort et je lui baisai le front.