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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/187

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bition basse ni les envies de la mesquine vanité, se distinguait non seulement par sa lucide intelligence, mais par sa ferme bonté. On est trop enclin de nos jours à prendre la bonté pour de la faiblesse. On oublie que le fort ne frappe pas de peur de tuer. Ce ne sont que les faibles qui cherchent à se prouver à eux-mêmes leur force par la cupidité, la haine et la cruauté. Pierre Quillard qui était supérieurement équipé pour la lutte, avait à plus proche portée que nos petits arrivistes toutes les armes dont il s’était interdit l’usage. Il resta pur et loyal comme un chevalier du temps jadis. Pourtant jamais homme ne fut moins bonasse, moins indulgent au mal, moins hostile à la franchise, même brutale, des actes et des paroles. Mais il savait que les individus agissent sous l’empire des idées, et que ce sont certaines de ces idées qu’il importe d’attaquer, plutôt que ceux qui s’en font les interprètes souvent sincères et courageux.

Pendant que nous achevions nos études de rhétorique et de philosophie, nous avions fondé un cercle, les « Moineaux Francs », dont l’organe était un petit journal lithographié, « Le fou ». J’ai raconté jadis ces histoires hilarantes et naïves dans La Plume de Karl Boès.

Après le baccalauréat nous nous dispersâmes, Pierre Quillard et Éphraïm Mikhaël entrèrent à