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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/234

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blierai jamais notre longue attente dans cet immense théâtre glacial, à peine éclairé, sentant le moisi, ni ce public clairsemé de dévots dont les chuchotements rendaient plus sensible le silence intérieur et le brouhaha assourdi du dehors.

Dehors ! sous le pétillement du soleil, nous nous doutions que les hommes éphémères couraient à leurs affaires, que les câbles du téléphone et du télégraphe follement vibraient, que les rois de la finance et de l’industrie, tapis au fond de leurs bureaux, troublaient ou apaisaient la vie du monde. Nous entendions, dominant le bruit de la foule, les sonneries impatientes des tramways, le trépidant tonnerre du métropolitain roulant sur sa charpente de fer, et, au loin, l’immense mugissement des paquebots qui brassaient les eaux limoneuses de l’Hudson et de l’East River. Vains bruits ! Ridicule agitation ! Soucis d’un jour ! Nous savions que, dans ce théâtre froid, silencieux et obscur, nous allions entendre une pauvre voix faible et chevrotante de vieillard, une voix que la foule n’entendait pas parce qu’elle ne prenait pas la peine de l’écouter, la voix du prophète qui marche au devant de sa race et au delà de son époque. Nous allions en un mot entendre le verbe qui plie à son rythme l’histoire de l’avenir, le Chant lyrique de la sainte démocratie.